12 - « Mensonges crevés »

jeudi 1 décembre 2011

Il faut bonne mémoire après qu'on a menti.
[Pierre Corneille]


12 - « Mensonges crevés 

Les nouvelles du Maroc sont encore obscures et troubles. On a le sentiment que toutes les correspondances de là-bas sont truquées. Il sera curieux, dans quelques semaines, quand on pourra savoir un peu ce qui s’est passé, de comparer la réalité aux récits qui maintenant nous sont faits.
Ce qui est certain, c’est que le projet connu d’expédition française provoque dans les tribus marocaines un redoublement d’agitation.
Ce qui est certain aussi, c’est que de redoutables complications diplomatiques se préparent. Les journaux officieux allemands ont des façons à la fois énigmatiques et ironiques. Ils disent en substance aux pangermanistes : Pour quoi donc nous émouvoir ? Le Maroc ne s’avale pas d’un seul trait. »
28-04-1911.


« Il apparaît bien que la France a été odieusement mystifiée par ceux qui ont machiné l’expédition marocaine.
Ils disaient que Fez allait succomber ; que la ville ne pouvait plus se ravitailler. On apprend maintenant que la ville peut tenir longtemps ; et les courriers venus du Maroc établissent que les vivres n’ont même pas haussé, que le blé se vend, comme l’année précédente, 3francs les 50 kilos, que la viande se vend 70 centimes le kilo. Jamais les communications de Fez et de Tanger n’ont été interceptées.
Ils avaient dit que le commandant Brémond était à bout de munitions. On avoue maintenant qu’il a plus de 250.000 cartouches ; et il semble certain qu’il est approvisionné pour plusieurs semaines.
Ils avaient dit que le sultan Moulaï Hafid avait sollicité une expédition française. Qu’on traduise un seul document qui l’établisse. Le sultan avait seulement écrit aux tribus des Doukhalas, les Beni-Meskin et des Chaouïa, pour leur demander d’envoyer des forces à Fez ; et il en a averti le général français qui commande dans la région de la Chaouïa.
Tout a été truqué, faussé, grossi pour persuader à l’opinion qu’une grande opération au Maroc était indispensable. Une autre politique était possible. Une autre politique est possible encore. »
29-04-1911


« On pouvait lire hier dans tous les journaux cette dépêche de l’agence Havas, expédiée de Fez à la date du 22 avril : « La ville est calme. Quinze cents cavaliers, venant de Taza, sont arrivés pour porter secours au sultan ». Il s’agit bien entendu, de cavaliers marocains. Il apparaît donc, par ce seul fait, que ni la situation de Fez, ni celle du sultan n’ont été un seul moment désespérées. Tous les mensonges par lesquels a été préparée depuis quinze jours l’expédition contre le Maroc tombent un à un. Maintenant encore, c’est notre intervention qui est le vrai péril. Et il suffirait de restituer au sultan les ressources qu’on lui a volées, pour qu’il puisse administrer et assurer l’ordre. Donner aux Marocains l’impression qu’ils ne seront ni pillés ni humiliés ».
30-04-1911


« Dans le chaos des nouvelles envoyées du Maroc, il est impossible de faire la part du mensonge et des tristes réalités auxquelles a abouti la politique marocaine de nos gouvernements depuis des années.
Il est fort probable qu’il y a une exagération énorme dans tous les récits qui représentent la situation de Fez et du Sultan comme désespérée. Mais il est certain que tout a été combiné depuis longtemps par M. Renault, par les financiers, par les généraux et colonels, pour désorganiser le Maroc et pour créer un état d’anarchie qui serve de prétexte aux opérations de conquête et de rapine. La sinistre besogne de ces hommes a produit ses effets contre le Maroc, contre la France, contre la sécurité internationale, contre la paix de l’Europe.
Si notre pays savait voir la vérité, s’il savait mesurer à l’étendue du crime l’étendue du châtiment, il frapperait d’une peine terrible tous ces imprudents.
Nos colonnes vont donc marcher sur Fez. Mais qu’adviendra-t-il ? Il se peut que, pendant la marche même de graves incidents se produisent. Si les tribus sont, comme le disent les dépêches, soulevées et fanatisées, elles opposeront peut-être une résistance redoutable. Toutes les surprises sont à craindre.
Ainsi la France va payer l’immoralité, la fourberie, le cynisme de la politique qui a été pratiquée en son nom par des hommes livrés aux intérêts les plus bas ou aux vanités les plus sordides. »
08-05-1911
Jean Jaurès




Jean Jaurès, est un homme politique français, né à Castres (Tarn) le 3 septembre 1859 et mort assassiné à Paris le 31 juillet 1914 par Raoul Villain
Jean Jaurès fait ses études au lycée Louis-le-Grand. En 1878, il est reçu premier à l'École normale supérieure en philosophie, devant Henri Bergson. En 1881, il termine troisième à l'agrégation de philosophie
Jean Jaurès était un pacifiste, c'est-à-dire un partisan de la paix, il voulait la paix entre les nations, les peuples:
" Il serait vraiment triste que nous n'ayons aucun moyen d'empêcher la lutte et le meurtre entre les nations. "
Jean Jaurès est assassiné ...
Au soir du 31 juillet 1914, Jean Jaurès dîne avec ses collaborateurs du journal " L'Humanité " au café du Croissant à Paris.
Un nationaliste, Raoul Villain, tire deux balles de revolver qui atteignent Jean Jaurès en pleine tête : Jean Jaurès meurt sur le coup.
Raoul Villain a été acquitté, c'est-à-dire non coupable ! Le meurtrier de Jaurès sera acquitté dans un contexte de fort nationalisme.
Et même, la femme de Jean Jaurès a été condamnée aux dépens : cela veut dire qu'elle a été obligée de payer les frais du procès...

Journaux de 1911



Le Petit Journal 1911-05-23  Numéro 17679 P 4
Le combat d’El-Knitra
(Dépêche de l’Agence Fournier)
Tanger, 22 Mai.
Un radiogramme de Rabat, en date du 21, confirme l’attaque d’El-Knitra qui s’est produite le 19 courant.
Au cours de cette rencontre, le capitaine des tirailleurs Petitjean et un tirailleur ont été tué ; deux soldats des troupes coloniales ont été blessés.


Colonne de Fez 1911 - Goumiers arrivant à Konitra



Le Petit Journal 1911-05-26  Numéro 17682 P 1
Nouvelle attaque contre nos troupes au Maroc
L’escorte du général Ditte a eu cinq tués et trois blessés près de Rabat
Dans la soirée d’hier, la dépêche suivante nous a apporté la nouvelle d’une attaque sur la côte occidentale du Maroc, attaque au cours de laquelle nos troupes ont subi des pertes :

Casablanca, 25 Mai.
Le général Ditte, qu’escortait un escadron de chasseurs d’Afrique, a été attaqué aujourd’hui à Dar-el-Aroussi par un groupe important de Marocains. Le général se rendait de Mehedya à Rabat. Nous avons eu cinq tués et quatre blessés.
Une dépêche ultérieure a confirmé le fait, en précisant la qualité des tués et des blessés. En voici le texte :
Tanger, 25 Mai.
Rabat, 24 Mai. – Le général Ditte est arrivé, venant de Mehedya.
Son escorte a été attaquée avant Salé par un parti d’Ahmer. Nous avons eu un lieutenant, un sous-officier, un brigadier et deux hommes tués ; un capitaine et deux soldats blessés.
Le lieutenant tué s’appelle Monot.
On se souvient qu’au même endroit, — Dar-el-Aroussi, — des convois de la colonne volante, qui commençait alors sa marche vers Fez, avaient été attaqués par deux fois, le 6 et le 9 mai. À cette dernière date, le général Moinier avait dû repousser une vive agression.
L’engagement d’hier témoigne de l’hostilité obstinée des tribus qui entourent Mehedya, la base d’opérations des colonnes.


Vers Fez - Colonne campée devant la Casbah d'El Konitra





Le Petit Journal 1911-05-27  Numéro 17683 P 1
Tanger 26 Mai.
Les victimes que nous avons à déplorer depuis le début de la marche sur Fez sont toutes tombées entre Salé et Kenitra. La réputation de cette piste est devenue si détestable qu’aucun voyageur, aucun négociant n’ose s’y aventurer même avec une escorte bien armée. Un certain nombre de campements de Zaer, de Zemmour, d’Ahmar et de Beni-Ahssen, ont élu domicile dans la partie de la forêt de Mamora qui borde la piste de Salé à Mehedya et ce sont toujours les même qui dirigent les attaques très violentes, soit contre nos camps, soit contre nos soldats en marche.
Ajoutons que, dans les milieux militaires, on estime que l’incendie de la partie de la forêt de Mamora à laquelle il est fait allusion plus haut est indispensable, afin de dégager la piste et d’empêcher les bandes de Berbères de trouver un abri trop commode.



Campagne du Maroc  1907 – 1911- Les troupes étaient cantonnées dans la kasbah de Mehdia



LE FIGARO   1911/06/09 (Numéro 160). P 2

Les opérations du général Moinier
Berlin, 8 Juin
     Le départ du général Moinier avec le gros des troupes aura peut-être pour conséquence que la colonie européenne lui demandera de revenir au plus tôt
Le correspondant du « Lokalanzeiger », qui est revenu à El-Kounitra avec la colonne du colonel Comte. II estime cependant que la base des opérations à Mehedya et à El-Kounitra est tout à fait insuffisante pour une action s'étendant sur 300 kilomètres, que cette base est continuellement menacée par l'ennemi caché dans la forêt de Mamora, que le général Moinier n'a pas assez de troupes et que beaucoup de temps se passera avant qu'il ne devienne maître de la situation.



Campagne du Maroc 1907-1911 Borje abritant le port de Mehdia


LE GAULOIS    LUNDI 15 JUIN 1911 N° 12297 – P 2

DERNIERE HEURE
LA FRANCE AU MAROC
Sur la route de Rabat
Rabat, 10 juin.

La colonne envoyée par le général Ditte le long des rives pour chasser les pillards est rentrée à Mehdia après avoir traversé le pays elle a constaté partout le calme.

La route de Salé à Mehedia est toujours coupée, par les révoltés qui guettent le passage de nos convois ceux-ci sont l'objet de fréquentes attaques.
Un chasseur d'Afrique qui surveillait des troupeaux de chameaux près de Mehedia a été tué.



Campagne du Maroc 1907 - 1911 Mehdia, à l’embouchure de Sebou ; point de débarquement de la colonne de Moinier


Le Matin 1911-06-21  Numéro 9976  P 3

Sérieux engagement
dans la forêt de la Mamora

Tanger, 20 juin. – Dépêche de l’envoyé spécial du « Matin ». – Une reconnaissance composée d’environ 2000 hommes (tirailleurs algériens, tirailleurs sénégalais et troupes coloniales), opérant dans la forêt de la Mamora, est tombée sur un groupement d’environ 4000 Marocains.
Nous avons eu sept blessés, dont deux lieutenants. L’ennemi a subi de grosses pertes. Toutes les récoltes qui servaient d’embuscade aux Marocains ont été incendiées.



Le Petit Journal 1911-06-21  Numéro 17708 P 1

Une rencontre dans la Forêt de Mamora
Deux officiers français blessés
(Dépêche de l’agence Havas)
Casablanca, 20 Juin.
Une reconnaissance a eu lieu, hier, dans la forêt de Mamora, à 25 kilomètres au nord-est de Salé, contre les Ahmar et Zemmours.
Deux officiers ont été légèrement blessés. Un tirailleur a été tué et quatre tirailleurs ont été blessés.


Campagne du Maroc 1907 - 1911 -Mehdia - Le Camp et la lagune


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