1 - « Occuper Kasbah Knitra dans le plus bref délai » [‼]

mercredi 29 décembre 2010



« Une tête sans mémoire est une place sans garnison.»-Napoléon Bonaparte




Les pays européens et nombre de pays asiatiques vivent aujourd’hui en paix avec leurs voisins et leurs alliés qui ont été, dans un passé proche, leurs ennemies jurés. Les relations amicales n’empêchent aucunement ces pays de célébrer assidument la remémoration des sacrifices consentis par leurs victimes et celle des luttes et des batailles, érigées en symbole, qui marquent une partie douloureuse de leur histoire.

Nous essayerons, tout au long de l’année 2011, de prendre connaissance de l’occupation de Kenitra ainsi que le débarquement français à Mehdia en Avril 1911. Au début de chaque mois, nous découvrirons une partie.

Nous profiterons de cette activité pour mettre en œuvre la délicate entreprise visant la constitution d’archives propres à Kenitra et ses environs.

M. CRUPPI , Ministre des Affaires étrangères,
à M. DE BILLY, Chargé d'affaires de la République française à Tanger.
 « Paris, le 19 avril 1911.
 Le Gouvernement Français a décidé d'autoriser le Général Moinier à faire procéder à la levée de la harka de la Chaouya. Veuillez d'urgence faire tenir des instructions dans ce sens au Commandant du Corps d'occupation. Il serait utile que cette opération pût s'effectuer sans retard, afin d'occuper Kasbah Knitra dans le plus bref délai et d'y conduire un convoi de munitions destiné au Commandant Brémond. Le Général Moinier n'estimera- t-il pas qu'il serait à propos de faire accompagner El Omrani par un ou plusieurs officiers, en mesure de le conseiller et de prendre de l'autorité sur les       khalifas ou caïds des Chaouyas qui commanderont ces contingents ? 
CRUPPI. »
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES-DOCUMENTS DIPLOMATIQUES
AFFAIRE DU MAROC – VI-1910 – 1912- N° 198-P 220



ANNEXE II.
NOTE au sujet de la dernière insurrection.
« Fez, le 24 juillet 1911.
……
Cependant, le 13, on apprit de source sûre que les Français n'avaient pas dépassé Knitra. Cette nouvelle causa un grand découragement,…… »
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES-DOCUMENTS DIPLOMATIQUES
AFFAIRE DU MAROC – VI-1910 – 1912- P458

« D'autre part, la nouvelle d'une défaite des Français à Knitra, du pillage de leurs convois, a réveillé les espoirs des insurgés.
Enfin, le 19, la nouvelle que les tribus de l'Est marchent sur Fez et vont l'attaquer le 22, le bruit persistant de la défaite des Français à Knitra, font grande impression; le moral des soldats n'a jamais été si mauvais; les instructeurs sont tous à bout de forces ; il n'y a plus de munitions d'artillerie. La situation n'a jamais été aussi désespérée ».
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES-DOCUMENTS DIPLOMATIQUES
AFFAIRE DU MAROC – VI-1910 – 1912- P 459

M. CRUPPI, Ministre des Affaires étrangères,
à M. DE BILLY, Chargé d'affaires de la République française à Tanger.
« Paris, le 17 avril 1911.
Veuillez transmettre, au Général Moinier, le télégramme suivant
…..
On pourrait former une colonne volante avec les goums de la Chaouya et la mehalla chérifienne de Rabat, ce qui donnerait un total d'environ 2,000 hommes.
Cette colonne devrait occuper Kasbah Knitra et escorter, s'il est possible, un convoi de munitions et d'argent destiné au Commandant Brémond et à Fez.
CRUPPI »
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES-DOCUMENTS DIPLOMATIQUES
AFFAIRE DU MAROC – VI-1910 – 1912- N° 184-P206

« C'est ainsi que, parties de Kénitra au secours de Fez, les colonnes du général Moinier s'étaient alourdies d'un nombre important de quintaux de farine destinés au ravitaillement des affamés.[‼]
Or, dès son arrivée devant la capitale, le général vit avec stupéfaction venir à lui en son campement de Dar Debibagh, des délégations des ministres, des Oulemas, de la colonie juive, apportant sur d'immenses tajines recouverts de leur capuchon de paille, l'offrande de la «mouna », des pains de semoule, du couscous, des méchouis, des pâtisseries, de quoi nourrir l'armée tout entière. On ne savait plus que faire de la farine apportée. »[??]
MES AVENTURES MAROCAINES-Christian HOUEL-P129

Journaux de 1911




Le Matin 1911-04-26  Numéro 9920  P 1 :
Le général Moinier a adressé aux tribus voisines des proclamations pour annoncer la marche des contingents chérifiens et de nos troupes. Il déclare que la France ne se propose pas d’occuper de nouveaux territoires au Maroc, mais d’appuyer la harka afin de porter un secours efficace aux colonies étrangères menacées et de rétablir l’ordre sous l’autorité du sultan.
La France s’opposera à la continuation des actions et violences exercées sur les tribus par les autorités indigènes. Si les tribus cessent leur rébellion et leurs menaces, la France arrêtera la marche de ses troupes. Dans le cas contraire, conclut la proclamation, elles seront obligées de pacifier le pays et de châtier sévèrement les fauteurs de désordre.
Les tribus sont invitées à envoyer au khalifat du sultan, El Omrani, et au général Moinier ou au commandant de la colonne volante, des délégués qualifiés pour s’engager en leur nom.



Le Petit Parisien 1911-04-26  Numéro 12597 P 1
Tandis que l’un des principaux fonctionnaires du maghzen, El Omrani, convie les grandes confédérations à rentrer dans l’obéissance, le général Moinier a été invité par le gouvernement à lancer une proclamation explicite.
Cette proclamation annonce  « l’arrivée imminente, dans l’intérieur, des contingents chérifiens et des troupes françaises ». Elle atteste que « nous ne songeons nullement à occuper de nouveaux territoires, mais que notre objectif unique est de sauver les colonies européennes de Fez et de pacifier le pays sous l’autorité du sultan. Nous nous opposerons aux exactions et aux violences que les fonctionnaires indigènes pourraient exercer. Ainsi les tribus ont tout intérêt à faire leur soumission et, en ce ca, la marche de l’expédition sera arrêtée. Dans le cas contraire, les fauteurs de troubles porteront la peine de leurs actes. Qu’ils réfléchissent donc, et alors qu’il en est temps encore, que les caïds envoient des délégués qualifiés soit au maghzen, soit au général Moinier, soit au chef de notre colonne légère. »







 
Le Petit Parisien 1911-04-27  Numéro 12598 P 1
La colonne Brulard se concentre à Kenitra
Le colonel Brulard, qui commande ce corps expéditionnaire, composé, outre les miliciens, de trois bataillons, de plusieurs escadrons et sections d’artillerie, n’aura terminé sa concentration à Knitra, poste fortifié situé prés de Mahedia, à 25 kilomètres au nord de Rabat, que le 30 avril.




Le Matin 1911-04-28  Numéro 9922  P 1 :
Aujourd’hui, la colonne volante et le goum s’avancent dans une direction nord-est vers la casbah de El-Kounitra, qui sera la première étape sur la route de Fez. La deuxième étape sera Lalla-Ito, et de là la colonne prendra selon toute probabilité la direction du sud-est, en traversant les territoires des Bni-Hsen et des Cheraga.
Le goun et la harka en marche.
Rabat, 26 Avril. – Dépêche particulière au  « Matin » (par radiotélégramme à Tanger).- Le capitaine Simon et le lieutenant Guetta, avec 1,200 goumiers, sont arrivés ici aujourd’hui, à midi.
La harka de la Chaouïa, composée de 500 cavaliers, sous le commandement d’El Omrani, se rendra à El-Kounitra demain.


Le Petit Parisien 1911-04-28  Numéro 12599 P 1
Il est possible qu’une fraction des renforts qui commencent à arriver à Casablanca soient transportés par mer à Mehadia, port déchu, situé à 25 kilomètres au nord de Rabat. De là, ils iraient se concentrer à Knitra, distant de deux heurs de marche et d’où part la piste de Fez.
Tanger, 27 avril.
El Omrani a quitté aujourd’hui Rabat avec la mehalla et les goumiers.
Il doit camper ce soir à la casbah de Knitra.
Les indigènes annoncent que les Zaers et les Beni-Hassen se préparent à attaquer les soldats chérifiens.

Le Petit Parisien 1911-04-28  Numéro 12599 P 3
Le corps expéditionnaire du Maroc
s’organise de toutes parts :
ALGER , TOULON , NICE , CHERBOURG ,  CONSTANTINE , MARSEILLE, ROCHEFORT ,  VERSAILLES , PERPIGNAN , CETTE , BREST , NANTES , TUNIS , BLIDA, ORAN, MASCARA …




Le Gaulois 1911-05-12 Numéro 12263
 « Les renforts
Avignon. - La 2° compagnie du 7° génie, sous le commandement du capitaine Lapillonne, du lieutenant Zobel et du sous-lieutenant Bergonzi, est partie hier .pour rejoindre le corps expéditionnaire du Maroc.
Montpellier. - Une compagnie du génie est partie hier, sous les ordres du capitaine Gascuel. Le colonel Cayatte et le général Cornille ont prononcé des allocutions patriotiques. Dix hommes du 1er  hussards sont également partis.
Gabes. - Est arrivé l'ordre de départ pour le Maroc de la 4° compagnie du 5° bataillon d'Afrique, commandée par le capitaine Wolff et les lieutenants Tête et Leseurre. »


Départ d’Oran d’une batterie du 2e d’artillerie d’Afrique à destination du Maroc


Embarquement au chemin de fer du 3e escadron du 6e chasseurs d’Afrique, à Mascara, pour le Maroc


Le train spécial emmenant les officiers et les hommes du 2e Zouaves à destination du Maroc



LA PRESSE   1911/04/28 (Numéro 6884). P1

SITUATION CRITIQUE DE NOS OFFICERS AU MAROC
Tanger, 27 avril.
On mande de Casablanca, le 6 avril, que le recrutement de la harka chez les Doukalas est accueilli sans enthousiasme; les Askris recrutés à Mazagan sont de qualité médiocre.
La colonne, sous les ordres du capitaine Brulard, a terminé aujourd'hui sa concentration à Bouznika. Elle comprend trois bataillons, un escadron, deux batteries montées, deux sections de montagne, une ambulance, une section de mitrailleuse, tous les services auxiliaires, au total plus de trois mille hommes. Les chameaux réquisitionnés dans toute la Chaouïa sont remis par groupes de cent; après avoir été chargés à Casablanca de vivres et de munitions, ils sont dirigés sur Bouznika.
La marine envisage la possibilité d'un débarquement à Mehedya.
El Omrami est parti ce matin à dix heures, retrouver la mehalla à Bouznika.

[Le port de Mehedya, dont il est question dans cette dépêche, est situé à 30 Kilomètres au Nord de Rabat, et à 160 kilomètres à vol d'oiseau de Fez.]



LE FIGARO   1911/04/29 (Numéro 119). P 1

La marche sur Fez

Le Colonel BRULARD surveillant le passage de l'Oued Bou-Regrag




Rabat, 28 avril.
La traversée de l'oued Bou-Regreb, a été effectuée dans les meilleures conditions, par toutes les troupes venues de  Casablanca.

Actuellement, six goums, commandés par le commandant Simon, ayant comme adjoint le lieutenant Gueytot, campent à El-Kenitra où se trouve un gué du Sebou et où seraient adressés les approvisionnements venus par mer à Mehedia à l'estuaire du Sebou; dont la marine poursuit l'utilisation sur les données fournies par l'ingénieur Pobeguin, de la mission hydrographique qui releva les fonds et les atterrages en 1905.

Un escadron de chasseurs campe à quatre kilomètres au nord de Salé; l'infanterie de marine montée, une batterie de 75 et une section de montagne campent sur la place de Salé. Ce premier échelon de la colonne Brulard campera demain à El-Kenitra.

Le Matin 1911-04-29  Numéro 9923. P 1 :
La marche de la colonne volante est difficile
La colonne Brulard et le goum marocain doivent camper cette nuit à El-Qounitra. De cet endroit jusqu’à Fez, il y a en temps normal cinq jours de marche. D’après nos renseignements, les pluies persistantes ont mis les routes en fort mauvais état. En outre, la colonne s’attend à être attaquée en plusieurs endroits, et il n’est guère possible qu’elle arrive devant Fez avant la fin de la semaine prochaine.
Le général Moinier s’était rendu hier à Rabat, afin de surveiller le départ des troupes franco-marocaines pour l’intérieur. Il est revenu dans la journée à Casablanca, d’où il repartira demain pour Mahediya. Il a été décidé de débarquer en cet endroit, qui est situé à environ 150 kilomètres de Casablanca, les renforts qu’on attend de Marseille et de Toulon. Etant donné qu’une partie de ces renforts sont destinés à établir des postes sur la route suivie par la colonne volante, en vue de la ravitailler quand elle sera arrivée à Fez, il est inutile d’opérer de débarquement à Casablanca, puisque les troupes seraient obligées de remonter ensuite vers le nord. En descendant à Mahediya, elles gagneront deux étapes sur le chemin de la capitale.
D’après des nouvelles d’El Ksar, les tribus du Gharb, région qui s’étend au nord de l’oued Sebou, sont extrêmement agitées et ont des tendances à vouloir se soulever.