9 - Les étapes en sont marquées par les noms des officiers morts

jeudi 1 septembre 2011

En dépit des informations erronées publiées par les journaux coloniaux et malgré l’occultation des rapports militaires français, personne ne pouvait dire que la machine de guerre coloniale avait pris Kenitra et sa région en se promenant. Les pertes matériels et humaines étaient énormes. Mais seules sont rendues publiques les pertes en officiers. Les tirailleurs Sénégalais, les tirailleurs Algériens et les zouaves n’avaient pas droit à cet honneur.

 « A marche des troupes françaises, parties de Kenitra, à travers les Beni-Hassen, les
Cherardas et les Zemmours, fut une action de guerre magnifique où s’illustrèrent avec
leur chef le général Moinier, le général Dalbiez, les colonels Brulard et Gouraud.


Le capitaine des tirailleurs Petitjean

Les étapes en sont marquées par le nom des morts, le lieutenant Monod [Lieutenant Maurice MONOD qui commandait le 3éme escadron du 1er Chasseurs d’Afrique tué le 24 Mai 1911 en se rendant de Kenitra à Salé.] et le capitaine Petitjean. D'autres aussi sont tombés qui n’eurent pas l'honneur de laisser leurs noms à leurs postes parce qu'ils n'étaient que soldats ou sous-officiers »
MES AVENTURES MAROCAINES Christian HOUEL-P131


« Le pays est en révolte, en « dissidence » comme on dit ici. Le convoi passe, de quatre en quatre jours, remontant vers l'intérieur ou regagnant la mer. Il passe tout juste, à condition d'être sous bonne escorte, et presque chaque nuit, au gîte, des coups de fusil réveillent en sursaut le camp, les convoyeurs. »
Au Maroc en 1912-Gustave-Babin- Derrière un fanion bleu- P239-240

On pillait les douars, on raflait le bétail, on brûlait les récoltes, on s’appropriait de tout pour sanctionner une population qui s’acharnait à repousser l’occupant. On brûle une partie de la forêt Mamora autour de Kenitra pour déloger les résistants‼

 « Les chameaux réquisitionnés dans toute la Chaouïa sont remis par groupes de cent »
LA PRESSE   1911/04/28 (Numéro 6884). P1

 « Les fantassins et les cavaliers de la méhalla étaient exaspérés par ces attaques incessantes pendant leur lente marche, aussi les instructeurs ne purent-ils les empêcher de mettre le feu aux récoltes et à tous les douars qu’ils trouvaient sur leur passage. ».
Le Matin 1911-05-01  Numéro 9925  P 3 :

 « Les Cherarda, les Hadjaoua et les Beni Hassen demanderaient leur pardon au sultan. Ils disent qu’ils enverront samedi à Cherkaoui des délégués pour demander la paix à Omrani, dans la crainte que la mehalla de la Chaouia ne brûle leurs récoltes. »
Le Petit Parisien 1911-05-04  Numéro 12605 P 3

« Les Beni-Ahsen disent que la méhalla d’El Omrani ne serait pas à la casbah d’El-Qounitra, mais à Dar-el-Aros. Des groupes de Beni-Ahsen de la plaine sont allés chez le caïd Si Mohamed el Guedary el Moktari, pour essayer d’entrer en pourparlers avec la méhalla, et éviter ainsi d’être razziés. »
Le Matin 1911-05-04  Numéro 9928  P3

 « Les tribus voisines de Kenitra se décident à rentrer dans leurs douars et apportent quelques denrées. Cette attitude fait espérer au général un ravitaillement plus facile des troupes lancées sur Fez. » [Par la réquisition de ces « quelques denrées »] 
LA PRESSE   1911/05/16 (Numéro 6902). P 1

 « Aux dépêches du gouvernement enjoignant impérativement depuis dix jours de hâter la marche de la colonne volante, le général répond que pour ravitailler plus vite, tous les chameaux, les mulets de la Chaouia et même de Gharb furent déjà réquisitionnés. »
Le Petit Journal 1911-05-23  Numéro 17679 P 1





Après la Razzia, le partage de butin

Journaux de 1911


Le Petit Parisien 1911-05-14  Numéro 12615 P 1
Rabat, 13 mai.
On sait néanmoins par le courrier arrivé à Knitra que la colonne (Brulard) a effectué sa première étape sans trop de difficultés.
Elle a suivi la piste d’été jusqu’à Sidi-Ayech, là, elle a été attaquée par environ cinq à six cent cavaliers et fantassins Beni Hassen, qui ont été repoussés par la cavalerie, celle-ci étant vigoureusement appuyée par l’artillerie rapide, qui, comme d’ordinaire, à jeté la panique parmi les cavaliers.
Un convoi a encore été attaqué hier entre Salé et Mehedia. Un tirailleur algérien à été blessé légèrement.

Un journal du camp de Knitra
Tanger, 13 mai.
Voici des nouvelles rétrospectives sur les récentes attaques du convoi entre Salé et El Knitra :
El Knitra, 7mai, soir. – Une forte reconnaissance, sous les ordres du commandant Vidal, partie vers le sud, rencontra 200 Marocains qui attaquèrent la colonne.
Une batterie coloniale de 75 ouvrit le feu et dispersa les ennemis, qui se réfugièrent dans la forêt ; les pertes des ennemis sont d’une vingtaine de tués et blessés. Nous avons eu un spahi atteint à la joue par une balle qui lui fit une blessure en séton.
La colonne, arrivée à l’entrée de la forêt, sur le lieu du guet-apens du 5 mai, rencontra un espion marocain qui avait participé à l’affaire et qui fut fusillé sur-le-champ.
El Knitra, 8 mai. – Dans la nuit, deux alertes se sont produites. Les sentinelles avancées échangèrent des coups de feu avec les rôdeurs.
À dix heures du matin eurent lieu les obsèques du goumier Djilali.
A huit heures du soir, les échelons de la colonne envoyés successivement pour protéger le convoi parti de Mehedia pour Salé rentrèrent au camp. Le convoi fut attaqué à six kilomètres de Mehedia par de nombreux cavaliers.
Le premier échelon, sous les ordres du commandant Knoll, comprenant cinquante spahis et deux compagnies de tirailleurs, heurta le parti ennemi. Les spahis chargèrent, sabrant plusieurs Marocains.
Le second échelon, ayant à sa tête le commandant Jacquier, fort de cinquante spahis, de deux compagnies de zouaves et d’une section d’artillerie coloniale, opérait sur la gauche.
Le troisième échelon, sous la direction du commandant Rueff, et comprenant deux compagnies de tirailleurs, une de marsouins, une batterie de campagne avec le capitaine Vignaud, suivait.
Entre le premier et le second échelon, la mehalla de la Chaouia avec le caïd El Haiadi, les lieutenants instructeurs Harang et Prioux, donna courageusement. L’ennemi eut douze tué. Nous n’avons aucun mort français, mais le caïd El Haiadi a été tué avec deux hommes et un indigène a disparu.

Le Matin 1911-05-14  Numéro 9938  P 1   EL QOUNITRA

Déclaration du général Moinier à l’envoyé spécial du « Matin »
El-Qounitra, 9 mai.- De l’envoyé spécial du « MATIN ». (par radiotélégraphie de Rabat, 12 mai). – Je viens d’avoir un intéressant entretien avec le général Moinier. Le général me reçut sous un petit arbre abritant sa tente, dressée sur la face sud du camp, des qu’il eut terminé sa longue conférence avec le colonel Brulard et les officiers de son état-major :
L’opinion publique ne se rend pas compte en France, me dit-il, des très grosses difficultés qui se dressent devant nous.
On a annoncé la marche rapide d’une colonne volante sur Fez.
On a pu penser à un raid. On ne peut pas faire un raid dans un pays hostile, qui fait le vide devant vous et où on ne peut pas se ravitailler sur place.
Ce qui nous a retardés, c’est d’abord cette grosse question du ravitaillement et de ces lourds convois à lancer à 230 kilomètres de la base des opérations.
C’est pourquoi on a songé, des le début à utiliser Mahediya comme point de débarquement des approvisionnements.
Il ne faut pas se le dissimuler : nous rencontrons une vive résistance de la part des tribus.
Vous avez vu déjà que depuis Salé nous sommes heurtés aux hostilités des premières tribus. Mais je prévois pour plus tard de sérieux obstacles.

L’ATTAQUE d’un convoi
Récit de notre envoyé spécial
Camp d’El-Qounitra, 5 mai, 3 heures du soir. – de l’envoyé spécial du « Matin »(par rekkas spécial à Rabat). – On vient d’apprendre qu’un convoi de douze chameaux, appartenant à la Société d’études commerciales au Maroc, et revenant à vide d’El-Qounitra à Rabat, a été attaqué comme il traversait la forêt de la Mamora, à une dizaine de kilomètres d’El-Qounitra. Tous les chameaux ont été pris et les conducteurs revinrent au camp complètement dépouillés.
A peine venait-on d’apprendre cette agression qu’une nouvelle beaucoup plus grave nous parvenait.
Un spahi et un maréchal des logis du train arrivaient au camp à bride abattue et annonçaient qu’un convoi de ravitaillement chargé d’orge et d’argent venait d’être attaqué au même endroit par une centaine de Marocains embusqués dans la forêt.
L’échelon, à la tête duquel se trouvait le lieutenant, comprenait les chameaux chargés de caisses d’argent. Soudainement une vive fusillade crépita des deux côtés de la piste. Le lieutenant eut son cheval tué sous lui ; il fut atteint lui-même à la main droite d’une première balle qui lui fit lâcher le révolver dont il allait se servir pour repousser ses agresseurs puis une seconde balle le blessa à la figure et une troisième enfin l’atteignit légèrement dans la région des reins. L’officier tomba alors, et il allait être enlevé par les Marocains, lorsqu’il fut sauvé par un brigadier du train et un maréchal des logis de spahis. Mais la fusillade continuait. Un brigadier du train fut tué d’une balle à la tête ; un soldat de la même armé fut très grièvement blessé à la poitrine et au ventre.


Arrivée de blessés à l’Hôpital de Campagne de Mehdiya

La première victime.

El-Qounitra, 5 mai, minuit. – Je viens de me découvrir devant la première victime de cette campagne. L’infortuné brigadier est étendu là, sur un brancard, aux pales rayons de la lune, devant la tente d’ambulance. On vient de le ramener avec le soldat du train blessé, auquel le major prodigue ses soins dévoués.
Le major, auquel je demande s’il se rétablira bientôt, hoche douloureusement la tête sans répondre.
Pour le moment, 240 chameaux manquent, ainsi que quatre hommes. On espère que ces derniers ont pu échapper à leurs assaillants en se réfugiant dans la forêt.
Hubert-Jacques

Nous avons reçu des nouvelles intéressantes de la marche en avant de la colonne Brulard. Elle était partie jeudi à l’aube d’El-Qounitra, se dirigeant vers le nord-est. Elle est arrivée à huit-heures du matin à hauteur de Sidy-Ayech, à quinze kilomètres de son point de départ. Elle a trouvé tous les douars déserts. Des cavaliers ennemis furent signalés par les patrouilles, et peu après la colonne prit contact avec un groupe d’environ six cent cavaliers et fantassins Beni-Ahsen. L’artillerie eut vite fait de les disperser.

Le Matin 1911-05-14  Numéro 9938  P 3
Les rôdeurs marocains harcèlent les positions de la colonne
El-Qounitra, 6 mai, 6 heures du soir. – De l’envoyé spécial du « Matin » (par rekkas spécial à Rabat). – Le stationnement malheureusement un peu prolongé de la colonne Brulard à El-Qounitra commence à produire des conséquences fâcheuses.
Les tribus qui, au début, avaient été fortement impressionnées par la marche rapide de la colonne, déjà campée sur les bords du Sebou alors qu’ils là croyaient encore à Bou-Znika, n’ont pas tardé à attribuer notre inaction à des causes tout autres que celles qui l’avaient déterminée.
Leur sourde hostilité, faite surtout jusqu’alors de crainte, a fait palace maintenant à des démonstrations nettement agressives. Les indigènes ont eu le temps de se concentrer, de prendre toutes leurs dispositions et de s’enhardir jusqu’à essayer de couper nos communications entre El-Qounitra et Rabat, dans le but d’empêcher le ravitaillement de la colonne.
Hier, comme vous le savez, douze chameaux d’un convoi civil étaient enlevés, et quelques instants plus tard, un convoi de ravitaillement de quatre-vingts chameaux était attaqué à 10 kilomètres d’El-Qounitra.
Ce matin, un courrier emportant la poste, sous l’escorte de quelques chasseurs auxquels on avait adjoint un demi-escadron de spahi, se heurta, toujours au même endroit, à un parti de plusieurs centaines de cavaliers marocain et dut faire demi-tour pour regagner le camp au galop, poursuivi par les Marocains qui, gagnant sur eux, arrivèrent à huit cents mètres de l’escorte ; mais comme cette dernière approchait du camp, les Marocains abandonnèrent la poursuite.
Par suite de cet incident, nous n’avons pas de communications aujourd’hui avec Rabat.
Encore un convoi attaqué
Vers une heure, on apprenait qu’un autre convoi composé d’une vingtaine d’ « arabas », allant de Mahediya à Rabat, avait encore été attaqué à douze kilomètres de Mahediya, et que nous avions deux blessés.
L’audace des Marocains devenant de plus en plus grande, toutes précautions sont prises pour repousser une attaque éventuelle du camp.
Un autre soldat du train, qui avait été blessé grièvement à la poitrine et à l’abdomen, vient de succomber.
Trois hommes tués.


Medhya. - L'Ambulance

El-Qounitra, sept heures soir. – De nouveaux détails viennent de parvenir sur l’attaque du convoi de Mahediya à Rabat. Ce convoi était composé de vingt « arabas » attelés de trois mulets chacune et escortées de vingt et un soldats ou sous-officiers. A cette heure, quinze seulement, dont deux blessés, sont rentrés à Mahediya.
Les indigènes disent qu’un maréchal des logis du train, le commandant du convoi et un homme ont été tués.
Les « arabas » ont été abandonnées avec les mulets sur les lieux de l’attaque.
En plus du maréchal des logis français, deux soldats du train indigènes avaient été tués.
Les Marocains prirent la fuite dans la forêt, emmenant les soixante mulets de trait des vingt « arabas » chargées d’armes et de munitions.
En plus de trois tués et de deux blessés, on constata la disparition de trois soldats, dont deux indigènes et un français.


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