3 - Le Général Moinier : « nous rencontrons une vive résistance de la part des tribus. »

mardi 1 mars 2011

Pour saisir l’importance stratégique de Mehdia/Kenitra à l’époque, il suffit de se pencher sur les archives, rapports militaire et diplomatiques de la France coloniale.


Mehdya. – L’Administration et la rade

 
Les forces françaises devaient soumettre les tribus Bni Hssen et Zemmour pour avoir les coudes libres dans le Gharb. Des batailles féroces flambèrent la région dont la composante hasnaouie et zemmourie avait fait preuve d’une combativité héroïque qui n’avait pas manqué de surprendre l’envahisseur.

« L’hostilité des tribus
On signale un mouvement insurrectionnel grandissant du côté des Beni-Hassen et des Zemmour. Ces tribus ont l'intention de s'opposer de toutes leurs forces à la marche en avant de nos colonnes. Les populations du Gharb sont toujours très incertaines.
Une réunion de notables a lieu au marché de Sidi-Amar El Eiadi. On y a discuté si les tribus du Gharb doivent, oui ou non, envoyer des contingents à la guerre sainte.
Il faut bien se dire que, plus nos troupes tarderont à marcher, plus la situation s'aggravera dans cette partie du Maroc. »
La Croix 1911-05-10 Numéro 8632

Déclaration du général Moinier :
« Il ne faut pas se le dissimuler : nous rencontrons une vive résistance de la part des tribus.
Vous avez vu déjà que depuis Salé nous sommes heurtés aux hostilités des premières tribus. Mais je prévois pour plus tard de sérieux obstacles. »
Le Matin 1911-05-14  Numéro 9938  P 1  


Pièces de 75 en action


La résistance était telle que les renforts ne furent que se succéder :
Les unités du général Moinier
Les unités du général Brulard
Les unités du général Gouraud
Les unités du général Ditte
Les unités du capitaine Simon,
Les unités du lieutenant Guetta,
Les unités du lieutenant Gueytot,
Les unités du lieutenant Jeannerod ,
Les unités du général Dalbiez ,
Les unités du capitaine Moreaux,
Les unités du lieutenant Le Boette,
Les unités du commandant Vidal,
Les unités du commandant Knoll
Les unités du commandant Jacquier
Les unités du commandant Rueff
Les unités du capitaine Vignaud
Les unités du lieutenant-instructeur Harang 
Les unités du lieutenant-instructeur Prioux
Les unités du capitaine Reibel
Les unités du lieutenant Balambois
Les unités du colonel Comte


Avec en plus la Mehalla d’El Omrani venue soutenir les français contre les Beni Hssen et Zemmour.

 « Les mehallas sont composées de mercenaires. Le jour où ceux-ci ne seront plus payés, ils écouteront les conseils de désertion qui leur sont donnés du dehors ; ils céderont à la pression des caïds insurgés, dont ils furent jadis les compagnons de tente »
Le Petit Parisien 1911-05-09  Numéro 12610 P1

« Il fait déserter 150 cavaliers
Les 160 cavaliers qui étaient avec le lieutenant Jeannerod à Souk-el-Arba sont revenus à El-Ksar sur l'ordre de Raisouli. Celui-ci, furieux de voir que ces cavaliers ne revenaient pas, a envoyé des hommes à lui pour leur ordonner de repartir tout de suite, même si le lieutenant Jeannerod s'y opposait ce dernier a dû s'incliner. Le caïd Cherkaoui, très ennuyé de ce départ inopiné, qui est en contradiction avec les demandes de renforts qu'il a adressées au capitaine Moreaux, a remplacé ces troupes par 150 cavaliers Beni-Malek, auxquels il a garanti qu'ils toucheraient régulièrement leur solde. Il attend impatiemment le retour des cavaliers envoyés à la kasba de Qounitra pour y prendre contact avec la mehalla chérifienne. »
La Croix 1911-05-04 Numéro 8627

« Il reste à Fez des munitions d’artillerie pour deux combats sérieux, mais l’argent manque et il faut payer la solde des troupes, sinon les hommes vendront leurs armes.
On confirme que des auxiliaires Beni-Ouraïn et Beni-Sadden sont partis avec armes et bagages. »
L'Humanité 1911-05-08 Numéro 2577


Konitra-Bivouac de la Mehalla d'EL-Omrani

« Proclamation aux rebelles
Le Chérif Sidi Mohammed al Omrani, qui commande la première colonne de secours, a lancé une proclamation aux rebelles :
Après les salutations d'usage, il dit
« Les désordres dont vous vous êtes rendus coupables ne peuvent avoir qu'un résultat votre destruction et la perte de vos enfants et de votre pays.
«  J'ai reçu de Sa Majesté l'ordre de me rendre à la tête de cette armée des districts du Sud et de la Chaouïa à Fez.
« Nous sommes déjà en route, campés près de Rabat, et de nombreux effectifs vont se joindre à nous pour nous accompagner jusqu'à Fez.
«  Si vous désirez vous mettre vous mêmes, et votre pays, en sécurité, cessez vos désordres.
«  Envoyez-moi une délégation de notables qui s'entendront avec nous pour détruire ces germes d'anarchie.
« Si vous persistez à créer des troubles et refusez de profiter de nos avis, vous pouvez être certains que vous marchez à votre ruine.
«  Tels sont nos conseils, et Dieu nous en soit témoin »
La Croix 1911-05-09 Numéro 8631

Les forces française se composaient des :

Tirailleurs Sénégalais
Tirailleurs (Soldat d'infanterie légère détaché pour tirer à volonté sur l’ennemi) sénégalais. Les tirailleurs sénégalais sont un corps de militaires constitué au sein de l'Empire colonial français en 1857, principal élément de la « Force noire »

Tirailleurs algériens
Les tirailleurs algériens et tunisiens, appelés aussi Turcos, étaient des unités d’infanterie appartenant à l'Armée d'Afrique qui dépendait de l’armée de terre française. Ces unités à recrutement majoritairement indigène (70-90% selon les époques) venues d'Algérie française et du Protectorat de Tunisie ont existé de 1842 à 1964.

Zouaves
Les zouaves étaient des unités d’infanterie appartenant à l'Armée d'Afrique qui dépendait de l’armée de terre française. Ces unités à recrutement européen ont existé de 1830 à 1962.

Spahis
Spahi est un mot d’origine turque, (mot provenant du persan سپاهی sipâhi signifiant « soldat » qui nous a aussi donné cipaye ou sepoy) dont la traduction la plus acceptée est celle de « cavaliers ». À l'origine, les « sibahis » sont des cavaliers fournis par les tribus inféodées à l’Empire ottoman qui viennent renforcer les effectifs de Mamelouks (troupes régulières) lorsque l’ampleur des opérations le nécessite.
Ils se payent sur le terrain en pillant les lieux où ils interviennent et, une fois l’opération terminée, rejoignent leurs tribus d’origine.
Le dey d'Alger, destitué lors de l’arrivée des Français, dispose de « Sibahis », turcs en grande majorité. Se trouvant sans emploi, ils se rangent en 1830 sous la bannière de Yusuf (Youssouf) qui se met au service de la France et en fait des troupes efficaces et redoutées, contribuant à la conquête de l’Algérie. Le mot, déformé par la prononciation française, devient Spahi.

Légionnaires
La Légion étrangère est créée par ordonnance le 9 mars 1831 par le roi Louis-Philippe, à l'instigation du maréchal Soult, ministre de la Guerre. Cette troupe nouvelle est destinée à combattre hors du Royaume (en Algérie). La Légion étrangère ne peut combattre qu'outre-mer sauf si la métropole est envahie.

Chasseurs d’Afrique
Créé le 1er mars 1832 par ordonnance royale du 17 novembre 1831, avec 1 escadron de chasseurs algériens, servi sous les ordres de Joseph Vantini (alias Youssouf) et qui forment l'escadron indigène du régiment.

Journaux de 1911


Le Matin 1911-05-04  Numéro 9928  P3

Les tribus sont indécises
 Beabcha (bords de l’oued Sebou) 30 avril. – Dépêche de l’envoyé spécial du « Matin » (réexpédiée de Tanger). – Les Bni-Ahsen ne savent rien encore du départ de la méhalla d’El Omrani, et ils se montrent sceptiques à ce sujet ; ils n’en sont pas moins très inquiets et tâchent de se renseigner sur les mouvements des troupes françaises. En raison de cette perplexité, la méhalla a des chances de passer sans être molestée. Le bruit court même que le caïd El Arasi, des Beni-Ahsen, aurait fait sa soumission. La méhalla passerait jusqu’à Mechera-el-Remlla.
Toutes les populations du Gharb sont prêtes à marcher contre les Beni-Ahsen, pour tirer vengeance des pillages de 1902, si le gouvernement français leur donne l’assurance de son concours et leur fournit des munitions.
Les Beni-Ahsen disent que la méhalla d’El Omrani ne serait pas à la casbah d’El-Qounitra, mais à Dar-el-Aros. Des groupes de Beni-Ahsen de la plaine sont allés chez le caïd Si Mohamed el Guedary el Moktari, pour essayer d’entrer en pourparlers avec la méhalla, et éviter ainsi d’être razziés.
Mais le caïd malgré les sacrifices de taureaux faits devant sa maison, n’a voulu entreprendre aucune démarche.
Il a reproché aux Beni-Ahsen leur alliance avec les Cherarda.
Il faut absolument qu’une répression soit exercée contre les Beni-Ahsen, sans quoi il est certain qu’ils pilleront les populations du Gharb pour les châtier  d’avoir aidé les Français à rétablir l’ordre et d’être restés fidèles au makhzen.


Le Matin 1911-05-05  Numéro 9929  P 1

La dépêche suivante a été expédiée par notre envoyé spécial le 30 avril.
Avec la colonne


Intérieur de la casbah d'El Kénitra

  Casbah d’El-Qounitra, 30 avril. – De l’envoyé spécial du « Matin » ( par rekkas spécial à Rabat). – Nous voici campés à la casbah d’El-Qounitra, il se pourrait même que nous y fussions pour quelques jour.
En prévision d’événements éventuels, le colonel Brulard tient en effet à ce que le premier échelon de renfort soit arrivé ici avant de se lancer plus loin ; mais cet échelon, qui est actuellement à Salé, doit lui-même être remplacé par d’autres unités actuellement en formation à Casablanca. Celles-ci suivraient à leur tour à une étape en arrière du « front », afin de pouvoir rapidement se porter en avant s’il en était besoin.
Le ravitaillement de la colonne volante s’opère avec difficulté. On le comprendra si on remarque que nous sommes déjà à 180 kilomètres de notre base d’opérations qui est Casablanca.
Un convoi de 800 chameaux est attendu demain. On pourra peut-être s’étonner a distance que la colonne volante n’ait pas une marche plus rapide, mais ceux qui sont comme moi sur place se rendent compte des difficultés énormes qu’il y a à vaincre.



Le Petit Journal 1911-05-05  Numéro 17661 P 1

El-Kounitra, 3Mai.
Deux reconnaissances de goumiers ont remonté la rive gauche du Sebou jusqu’à Sidi-Ayech, à une quinzaine de kilomètres. Elles ont rencontré un petit douar de Beni-Hassen ; ce douar était vide.
Les populations effrayées [‼] ont abandonné la région ; toutefois, on ignore leurs intentions exactes à l’égard de la colonne Brulard.
LE FIGARO   1911/05/06 (Numéro 126). P 2

Au Maroc
Vers la délivrance de Fez [‼]
     Aujourd'hui, selon toute vraisemblance, le mouvement définitif commencera, pour ne plus s'arrêter, désormais. Les divers échelons de la colonne se suivent à une étape de distance. Mais, au moindre signe de résistance sérieuse, la harka se laissera rejoindre par les goums, et ceux-ci ralentiront leur progression dans la mesure voulue pour que le tir de nos pièces de 75 se trouve à portée d'appuyer éventuellement leur attaque. Agir autrement serait une imprudence grave, que l'expérience éprouvée du colonel Brulard, chargé du commandement général de toutes les fractions, ne commettra certainement point.

     Le respect de la cité de Rabat, qui compte parmi les ports ouverts au commerce international, énumérés dans la convention d'Algésiras, a, celui de fournir de notre part un témoignage de discrétion vis-à-vis de l'Europe, et aussi vis-à-vis de l'Espagne. Il empêchera peut-être celle-ci d'opérer un débarquement, fort inopportun, à Larache.     Cette discrétion ne nous coûtera guère au surplus, Rabat étant fort difficile à aborder du côté de la mer: 200 jours par an, le débarquement y est impraticable du fait de la barre. Nous ne perdons donc presque rien à ne pas l'utiliser comme escale. Tout au contraire, elle nous procure un excellent prétexte pour installer une base navale sommaire, à Mehedya, à 40 kilomètres au nord, vers l'embouchure du Sebou, où les conditions d'atterrissage et d'ancrage sont infiniment meilleures, et désignent même peut-être, d'ores et déjà, Mehedya comme l’emporium futur de la capitale du Rharb. La marine y créera un jour ou l'autre un petit établissement, dont les études sont faites.


Campagne du Maroc 1911 – 1912. – MEHDYA. – Le Sémaphore


LA PRESSE  1911/05/07 (Numéro 6893).P 1

LES Renforts à Casablanca
Arrivée des généraux Ditte et Dalbiez
Tanger, 6 mai.
           Un radiogramme de Casablanca signale le débarquement de renforts arrivés par les vapeurs Gaule, Moulouya et Aquitaine. Les généraux Ditte et Dalbiez ont également débarqué.
           De Rabat, on signale que le général Moinier circulera entre cette ville et Mehedya jusqu'à ce que soit effectuée la concentration des colonnes au-delà de Mehedya.
           La colonne Brulard n'a pas encore reçu l’ordre de marche.



Le Matin 1911-05-07  Numéro 9931  P 1

Le général Moinier se trouvait en personne hier à El-Qounitra.
Le goum et la méhalla marocaine étaient à Lalla-Ito, et la colonne Brulard à Sidy-Ayech à un tiers du chemin environ entre El-Qounitra et Lalla-Ito.
La marche ne se poursuit pas aussi rapidement qu’il serait désirable, et ce parce que les chameaux nécessaires pour transporter le matériel et les munitions font défaut.

Convoi attaqué

Tanger, 6 mai. – Dépêche particulière du « Matin ». – Un radiotélégramme qui arrive à l’instant via Casablanca que les Beni-Ahsen et les Zemmour ont coupé la conduite amenant l’eau à Salé.
Hier 5 mai un djich de Zemmour a attaqué un convoi auquel il a enlevé un certain nombre de chameaux chargés. Un brigadier a été tué et deux hommes blessés.
Un détachement envoyé à la poursuite des pillards a réussi à reprendre la moitié des chameaux.

Le Matin 1911-05-07  Numéro 9931  P 3

Un officie français blessé
Rabat, 6 mai. – Au cours de l’attaque dont un convoi a été l’objet hier, de la part des Zemmour, sur la piste de Salé à Mahediya, outre un brigadier tué, il y a eu un officier français blessé, le lieutenant Vallade.




Le Petit Journal 1911-05-08  Numéro 17664 P 1

Un nouveau télégramme de Rabat est venu confirmer l’attaque, par les Zemmours d’un convoi de la colonne volante.
Au cours de l’engagement, nous avons eu, on le sait déjà, un lieutenant et deux hommes blessés, et un brigadier tué. Le nom de cette première victime des opérations actuelles n’a pas encore été communiqué à l’heure où nous écrivons ces lignes. Quant à l’officier blessé, le lieutenant Vallade, il appartient au 16eme  escadron du train des équipages (de Tunis).
Désormais, dit ce même télégramme, les convois seront fortement escortés. La précaution n’est certes pas inutile en ce pays d’escarmouches et de guets-apens.

Tanger, 7 Mai.
Casba d’El-Knitra, 1er Mai.
L’officier de marine Carsalade continue ses travaux en vue du débarquement des approvisionnements et du matériel à Knitra par Mehedya et le Sebou, dont la profondeur est suffisante pour les remorqueurs et les barcasses.


1 commentaires:

LE VESCERIEN a dit…

Persévérez!
Je tiens à vous exprimer mes plus sincères encouragements.
LEMILITANTSANSFRONTIERES

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