11 - La machine militaire française

mardi 1 novembre 2011

« Le Mensonge peut courir un an, la vérité le rattrape en un jour. »
Proverbe africain


Il est à noter que durant ces combats, l’envahisseur n’épargna pas l’inviolabilité des mosquées. Il divisa la mosquée de la Kasbah de Kenitra en divers locaux ; elle abrita :
Le dispensaire.
Le service télégraphique sans fil.
L’école.
L’église.
Résidence pour le chef militaire.
Résidence pour le Contrôleur Civil.



La Kasbah Poste d'anoceur


La Télégraphie sans fil sur la Mosquée


 La Mosquée Résidence pour le chef militaire



La Mosquée Résidence pour le Contrôleur Civil.

Dans le dessein de s’allier l’opinion publique et de la convaincre du bien-fondé des tueries massives au sein de la population autochtone, seule façon de garantir une victoire rapide, les forces françaises avaient fait un large usage de la photographie lors du bombardement de Casablanca et ses environs. Seulement la réaction désapprouvant d’une partie de l’opinion internationale et même à l’intérieur de l’Hexagone poussa les autorités militaires à censurer rigoureusement toutes les informations sur la conquête de Mehdia/Kenitra.

« Lorsque j'ai lu, il y a quelques jours, dans le journal le Matin (Mouvements divers) le long télégramme de son correspondant lui racontant qu'un rassemblement de Marocains, qui n'était pas un camp, qui n'était pas une armée, qui était un grand village nomade, un rassemblement d'hommes, d'enfants et de femmes, lorsque j'ai lu dans ce journal que ce rassemblement, qui n'a même pas essayé de se défendre, a été surpris, enveloppé par notre artillerie, foudroyé, et que nul être humain n'a échappé... »
Contre la guerre au Maroc-Jean Jaurès-P 23

« C'est le correspondant du Journal le Temps, M. Réginald Kahn, qui dit :
On ne peut même pas parler de combat; ce ne fut pas un combat, ce fut une course, et dans le camp tout a été passé à la baïonnette ».
Contre la guerre au Maroc-Jean Jaurès-P 26


Colonne de Fez 1911


Campagne du Maroc 1907 - 1911 Convoi entrant dans la forêt Maâmora





Journaux de 1911



LE FIGARO   1911/05/09 (Numéro 129). P 2

Au Maroc
Le devoir du gouvernement
 « La colonne de secours est-elle en marche vers Fez? »

     Telle est la question, l'unique question que se posent actuellement tous les Français. A cette question angoissante, nous sommes malheureusement obligés de faire, chaque matin, la même réponse « Non, là colonne de secours n’a point encore bougé ! »
Chaque journée qui s'écoule accroît l'angoisse, la désillusion et la colère du public. Chacun de nous a l'impression d'avoir été, depuis bientôt quinze jours, trompé, berné par le gouvernement. On nous a dit dès la fin du mois d'avril que le général Moinier était prêt à marcher. Pourquoi ce mensonge?
     Si du côté de l'ouest les difficultés sont trop grandes, s'il est impossible, par cette voie, d'arriver à Fez en temps opportun, pourquoi donc ne marche-t-on pas de l'autre côté?
     Au milieu de cette anxiété croissante, le gouvernement, lui, ne se départ pas de son calme olympien et de son optimisme béat. Le ministère des affaires étrangères fait connaître à qui l'interroge que l'organisation de la colonne et les conditions de son départ concernent exclusivement le ministre de la guerre.
     « Cela ne nous regarde point, disent ces messieurs du quai d'Orsay. Adressez vous à la rue Saint-Dominique Après quoi leur conscience est tranquille. Quant aux hôtes de la rue Saint-Dominique, ils se déchargent, a leur tour, de toute responsabilité sur le général Moinier. Une note officielle du ministère de la guerre a informé le public que ce général, et non les bureaux du ministère, assumait la charge de tout organiser et de pourvoir à tout. Le ministre de la guerre fait comme Ponce-Pilate il s'en lave les mains il prend bien soin de nous aviser qu’il n'est pour rien la dedans.
̃̃      Mais alors, a quoi sert le ministre de la guerre ? A quoi sert le gouvernement?
     Le gouvernement se dérobe ainsi à ce qui constitue absolument son devoir le plus impérieux. Il a cependant les moyens de correspondre, jour par jour, heure par heure, avec le général Moinier. Il est urgent, il est indispensable qu'il sache de lui aujourd'hui même, s'il est enfin, oui ou non, en mesure de marcher. Si c'est oui, qu'il marche et qu'il arrive devant Fez au plus tôt. Si c'est non, qu'on se serve sans plus tarder, de nos troupes rassemblées par le général Toutée sur la Moulouya et qui paraissent beaucoup mieux préparées à leur tâche, beaucoup mieux organisées.
     A l'heure présente, une considération domine tout : gagner Fez au plus tôt, empêcher, par tous les moyens, cette chose véritablement honteuse pour nous, la prise de la capitale par les rebelles, la chute du Sultan, peut-être le massacre de nos compatriotes, alors que nous ayons vingt mille hommes dans la Chaouia et presque autant sur la frontière oranaise.

     Il restera ensuite à se demander à la suite de quelles négligences, de quelle incurie notre armée coloniale, entretenue à grand frais, se montre ainsi incapable, de remplir sa fonction.
      "Pour l’instant notre attente a suffisamment duré. Il faut que dès maintenant le gouvernement nous dise ce qu'il veut, ce qu'il fait!
Raymond Recouly.
La colonne Brulard
     Il ne paraît pas que la colonne Brulard ait encore commencé son mouvement sur Fez.'
Voici les seules dépêches qui soient parvenues de Rabat

Rabat, 5 mai.

     Deux escadrons de spahis, deux compagnies de la légion étrangère et 300 chameaux avec des munitions traversent le Bou-Regreg.
      Le général Moinier a reçu dans la matinée la colonie française. Le consul a présenté les vœux de la colonie pour le succès de la mission pacificatrice que le général va entreprendre.
 Casablanca, 7 mai.



MEHEDYA. – Le débarcadère

Une conférence sur le principe du mode de ravitaillement des colonnes a réuni les directeurs du port, de l'intendance et des étapes auxquels l'ingénieur Pobeguin a exposé les conditions pratiques d'utilisation de Mehedva et du Sehou.


Rabat,7 Mai
     Hier matin, près de Salé, un second convoi sans escorte a été attaqué par des rôdeurs Beni-Hassen un sous-officier du train a été tué et deux soldats indigènes blessés.
Des bandes suspectes rôdent autour d'El- Kounitra et sur la piste en bordure de la mer.
Une harka chérifienne se concentre à Salé d'où deux bataillons vont partir pour El- Kounitra.

     Un soldat français blessé lors de la première attaque de convoi; est mort des suites de ses blessures.
     Ce soldat est un nommé Joseph Nicol, du 16e escadron du train des équipages de la garnison de Tunis, originaire de Bligny-le-Sec (Côte-d'Or).




Le Petit Journal 1911-05-10  Numéro 17666 P 4

Les nouvelles d’El-Knitra signalent que les attaques isolées contre les postes français et les troupes qui escortent le convoi de ravitaillement continuent.

Le colonel Gouraud à El-Knitra
Tanger, 9 Mai.
Rabat, 7 Mai. – 1600 coloniaux ayant à leur tête le colonel Gouraud ont traversé le Bou-Regreg, allant à El-Knitra.
Le général Moinier est parti avec eux.



Le Petit Parisien 1911-05-10  Numéro 12611 P 1

La colonne Brulard est prête à Knitra

Rabat, 9 mai.
Le service de renseignements de Knitra signale toujours d’importants rassemblements de Beni Hassen aux abords de la piste que doit suivre la colonne.
        On a retrouvé le corps d’un cavalier français du train, porté comme disparu lors de l’attaque du convoi du 6.
        Les colonnes Brulard et Simon, réunies à Knitra, possèdent actuellement tous leurs approvisionnements. On me dit qu’on attendra l’arrivée des colonnes de soutien Dalbiez et Ditte  actuellement en formation pour que le signal du départ soit donné.



Le Petit Parisien 1911-05-11  Numéro 12612 P 1
Les groupes rebelles harcèlent nos camps
Autour de Knitra même, où le général Moinier s’est rendu ce matin, des bandes de cavaliers rôdent aux environs du camp du colonel Brulard. Celui-ci envoie quotidiennement des reconnaissances de cavalerie dans le but de dégager la route  de Rabat et de prévenir les incursions des ennemis du côté du sud-est aussi, car des rassemblements importants sont signalés près de Mechra-Remla.
Les lenteurs et les retards de ces derniers jours font craindre que l’on ne rencontre une grosse résistance chez les Beni Hassen. Ces derniers ont chassé un de leurs principaux caïd, El Gueddari ; ils lui reprochaient de ne pas vouloir partir en guerre sainte et d’avoir fait remettre en liberté un journaliste français capturé non loin de l’oued Beht.

Des émissaires des Menasra ont signalé à Souk-el-Arba que les Beni Hassen avaient dû attaquer la colonne à Knitra le 8, et qu’il avaient nettement entendu le bruit du canon dans cette direction.