8 - Les colonnes se concentrent à Kenitra

lundi 1 août 2011

Néanmoins, les journaux, pour ne pas verser dans le ridicule ou pour marquer une certaine distance à l’égard de ce qu’on leur soumettait comme nouvelle, militaire, introduisaient leurs papiers sur la question par : « Il semble que … ». C’est qu’on minimisait avec soin les pertes françaises.

La presse coloniale avait d’ailleurs adopté un langage pervers spécial :
Au lieu de « Résistants », on parle de : « bandes de pillards », d’ « agitateurs ».
On oppose : « pacification » à « rébellion ».
Au lieu de parler de « courage des résistants », on parle d’ « acharnement de l’ennemi ». 

« Il nous faut, tout le long de la route, demeurer encadrés entre l'escorte d'avant et celle d'arrière, moi, mes hommes, mes mules, mes bagages. Défense absolue de s'écarter
— pas même à ses risques et périls— pas plus que ces prisonniers que, chemin faisant, on recueille dans les divers postes pour les conduire à Casablanca à leurs juges, et qu'on attacherait au derrière d'une araba s'ils refusaient de marcher »
 Au Maroc en 1912-Gustave-Babin- Derrière un fanion bleu- P 283

  Dans le but d’intimider la population alliée à la résistance et pour exorciser la peur bleue qu’ils avaient de leurs adversaires, les forces coloniales françaises mobilisaient des milliers de soldats et tout un arsenal de matériel sophistiqué et destructeur.

« Les effectifs
 « La colonne Brulard, avec les goums, environ 4 500hommes d'affectif. Le colonel Simon et le colonel Gouraud seront prêts à l'appuyer en cas de besoin. Ces effectifs se composent de 3000 à 3 500 hommes.
L'arrivée à Kenitra du général Dalbiez, avec environ 1500 hommes, dont une batterie d'artillerie, va renforcer ces effectifs. Il prendra le commandement en second des opérations sur Fez, le général Moinier ayant la haute direction de l'expédition. »
La Croix  1911-05-13 Numéro 8635


El Kenitra - Le Camp des Spahis

Lettre adressée du Gharb, par un protégé marocain de Ceuta à son associé européen de Tanger :
« Plusieurs méhallas de Français, très nombreuses, ont traversé Dar-Zrari. Elles ont été attaquées par un grand nombre de tribus, qui en ont tué beaucoup ; mais il a été impossible d’empêcher les Français de poursuivre leur route. Ils sont comme des sangliers qui couchent et brisent tout sur leur passage. Ils passent quand même. Ils sont comme des sauterelles : quand les premiers ont passé, les autres arrivent. On croit qu’il n’yen a plus, et il en vient toujours, on entend le bruit de la fusillade comme un roulement de tonnerre qui ne s’arrête pas. »
Le Matin 1911-05-21  Numéro 9945  P 1


 « Les Marocains attaquent en ordre dispersé. Les charges de leurs cavaliers ne sont pas arrêtées complètement par l’artillerie ou les salves de l’infanterie. Leur courage et leur acharnement sont tels qu’ils arrivent jusqu’à nos baïonnettes ».
Le Matin 1911-05-17  Numéro 9941  P 1

Journaux de 1911


Le Matin 1911-05-12  Numéro 9936  P 3

On ignore à l’heure actuelle si la colonne poursuivra demain sa marche en avant.
Les renseignements les plus contradictoires parviennent aussi bien sur l’état des pistes que sur l’état d’esprit des tribus.
Le colonel Brulard semble attendre l’échelon de renfort faisant partie éventuellement de sa colonne, et campé aujourd’hui à Salé.
Cet échelon se compose d’un bataillon mixte comprenant deux compagnies de tirailleurs algériens et deux compagnies de tirailleurs sénégalais une batterie de compagne de 75 et une section de munitions.
L’Artillerie
La grosse préoccupation du commandement est de savoir si le 75 de campagne pourra suivre la colonne.
L’itinéraire projeté traverserait de dangereux terrains marécageux, sur l’état de viabilité desquels il est impossible d’être exactement renseigné.
Aussi le colonel Brulard vient-il d’envoyer en avant un émissaire chargé de résoudre cette grosse question.
Il est très probable, dans ces conditions, que la colonne campera demain encore à El-Qounitra.
L’idée primitive du commandement était d’envoyer en avant, nous précédant d’une étape environ, le goum marocain de la Chaouïa ; mais cet échelon ne disposant pas d’artillerie, en jugea prudent de l’incorporer dans la colonne Brulard, qui est ainsi forte de 3000 hommes environ à savoir : un bataillon d’infanterie coloniale, un bataillon de tirailleurs, une batterie de compagne de 75 , deux section d’artillerie de montagne de 65 , un demi-escadron de chasseurs, un demi-escadron de spahis, des ambulances légères, et en fin le goum de la Chaouïa.



Le Petit Journal 1911-05-13 -Numéro 17669 P1

D’après les dernières nouvelles reçues de la colonne volante, le colonel Gouraud a rejoint, avec deux bataillons, les forces réunies dans la région Mehedya-Knitra, forces dont la tête, commandée par le colonel Brulard, a, comme nous l’avons dit, commencé, avant-hier jeudi ; sa marche en avant, sur la route de Fez. Ce mouvement va maintenant se poursuivre sans interruption.
La colonne comprend un ensemble de huit bataillons, quatre escadrons et quatre batteries soutenus en arrière par d’autres forces. Le convoi se compose actuellement de six groupes de 400 chameaux chacun, dont les quatre premiers étaient à Knitra à la date du 10.
Nos troupes pénètrent dans une zone redoutable par son terrain de marécages et par les rassemblements de rebelles qui s’y font ces temps-ci. Entre Knitra et Dar-Dzari.



LA PRESSE    1911/05/13 (Numéro 6899). P 1

AU MAROC : ATTAQUE D’UN CAMP FRANÇAIS, COMBAT  ENGAGÉ
Londres, 12 mai. - On télégraphie de Tanger au « Daily Telegraph » le 11 mai :
 Ce matin, au lever du jour, les troupes se sont mises en route pour Lalla-Ito.
 Des goumiers de la Chaouïa, au nombre de 1.500, sous les ordres du commandant Simon, ont été envoyés en reconnaissance le long de la route. Immédiatement après venait la mehalla commandée par Sidi Mohamed el Omrani, et flanquée de deux batteries d'artillerie, ainsi qu'un convoi de vivres et de munitions. Une demi-heure plus tard, les colonnes Brulard et Gouraud sont parties accompagnées de quatre batteries d'artillerie, d'une ambulance et d'un convoi. L'arrière-garde est resté à Kenitra.
 La colonne restera en communication avec Kenitra et Rabat par télégraphie sans fil et par un télégraphe de campagne. Il s'agit, d'après les plans dressés, de passer, la nuit à Lalla-Ito, de marcher ensuite sur Masara-el-Ramla, qui sera peut-être le théâtre d'hostilités.



LA PRESSE    1911/05/14 (Numéro 6900). P 1

Une autre dépêche du général Moinier datée de Kenitra 11 mai et arrivée pendant le conseil, a été également communiquée par le ministre de la guerre.
Elle indique que la colonne légère a quitté Kenitra, qu'elle s'est trouvée aux prises, à la hauteur de Sidi-Ayach, avec un parti de cavaliers Beni-Hassen, mais qu'elle a continué sa marche.
La colonne Brulard
Tanger, 13 Mai.- La colonne Brulard est rentrée hier dans la route d’été et l’a suivie jusqu'à Sidi-Ayech.
A cet endroit, elle se rencontra avec 600 cavaliers et fantassins des Beni-Hssen qu’elle repoussa facilement.

Le Petit Journal 1911-05-14  Numéro 17670  P1

« L’occupation de la capitale marocaine ne serait effectuée que pour le temps strictement nécessaire. »
Ainsi s’exprime la note officielle communiquée à l’issue du Conseil des ministres tenu hier matin.
Une autre dépêche du général Moinier, en date de Knitra, 11 mai, et arrivée pendant le Conseil, a été également communiquée par M. Berteaux . Elle indique que la colonne légère a quitté Knitra, qu’elle s’est trouvée aux prises à la hauteur de Sidi-Ayach avec un parti de cavaliers Beni-Hassen…

Le Petit Journal 1911-05-14  Numéro 17670  P 4
La rencontre peu importante entre la colonne légère et un groupe de Beni-Hassen, que nous signalons d’autre part, a été confirmée, dans la soirée d’hier, par la dépêche suivante :
Tanger, 13 Mai.
El-Knitra, 12 Mai. – La colonne Brulard, partie hier matin, est arrivée à huit heures, à Sidi-Ayach. Tous les douars étaient déserts. Des cavaliers ennemis ont été signalés par les patrouilles.
Peu après, la colonne a pris contact avec un groupe de 600 cavaliers et fantassins de Beni-Hassen. L’artillerie les a dispersés.
Les pertes sont insignifiantes et se réduisent à quelques blessés [‼].



 Un coin du bivouac

Un télégramme, ainsi conçu, nous renseigne — avec un retard de quelques jours — sur les incidents qui se sont produits autour d’El-Knitra, point de concentration de la colonne Brulard :
   Tanger, 13 Mai.
El-Knitra, 7 Mai, soir. – Une forte reconnaissance, sous les ordres du commandant Vidal, partie vers le Sud, rencontra 200 Marocains qui attaquèrent la colonne.
Une batterie coloniale de 75 ouvrit le feu et dispersa les ennemis qui se réfugièrent dans une forêt : les pertes des ennemis sont d’une vingtaine de tués et blessés. Nous avons eu un spahi atteint à la joue par une balle qui lui fit une blessure en séton.


Exécution d’un résistant

La colonne, arrivée à l’entrée de la forêt sur le lieu du guet-apens du 5 mai, rencontra un espion marocain qui avait participé à l’affaire et qui fut fusillé sur-le-champ.
Dans la matinée eurent lieu les obsèques du soldat du train qui succomba à ses blessures reçues le 5 mai ; le cérémonial imposant accoutumé fut observé ; toutes les troupes étaient présentes. Les autres morts seront enterrés à Mehedya.
Actuellement, les unités de la colonne Simon, dressent leur camp en prolongement de celui du colonel Brulard ; elles creusent des tranchées en prévision d’attaques de nuit.

El-Knitra, 8 Mai. – Dans la nuit, deux alertes se sont produites. Les sentinelles avancées échangèrent des coups de feu avec les rôdeurs.
À dix heures du matin eurent lieu les obsèques du goumier Djilali.
À huit heures du soir, les échelons de la colonne envoyés successivement pour protéger le convoi parti de Mehedya sur Salé rentrèrent au camp. Le convoi fut attaqué à six kilomètres de Mehedya par de nombreux cavaliers.
Le premier échelon, sous les ordres du commandant Knoll, comprenant cinquante spahis et deux compagnies de tirailleurs, heurta le parti ennemi. Les spahis chargèrent, sabrant plusieurs Marocains.
Le second échelon, ayant à sa tête le commandant Jacquier, fort de cinquante spahis, de deux compagnies de zouaves et d’une section d’artillerie coloniale, opérait sur la gauche.
Le troisième échelon, sous la direction du commandant Rueff et comprenant deux compagnies de tirailleurs, une de marsouins, une batterie de campagne avec le capitaine Vignaud, suivait.
Entre le premier et le second échelon, la mahalla de la Chaouïa, avec le caïd Haiadi, les lieutenants-instructeurs Harang et Prioux, donna courageusement. L’ennemi eut douze tués. Nous n’avons aucun mort français, mais le caïd El-Haiadi a été tué avec deux hommes, et un indigène a disparu.
Des renseignements recueillis indiquent qu’une attaque de nuit du camp est possible.
Le camp a été attaqué dans l’après-midi par des groupes ennemis pendant l’attaque des échelons partis pour protéger le convoi ; une batterie de campagne, sous les ordres du capitaine Reibel, lança quelques obus sur les 300 Marocains apparus à la lisière du bois sur la face sud-est du camp.

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